Le militant sénégalais des droits de l’Homme Alioune Tine juge nécessaire que soit menée « une véritable réflexion pour repenser » la Cour pénale internationale (CPI) et sur les voies et moyens de « régler définitivement le défi de l’impunité » en Afrique de l’Ouest en particulier, région dont il attend qu’elle apporte « des réponses régionales » aux menaces auxquelles les pays concernés se trouvent confrontés.
« Je pense qu’il faut une véritable réflexion pour repenser la CPI, mais il y a aussi une réflexion à mener sur la manière dont on doit régler définitivement le défi de l’impunité », a-t-il déclaré dans un entretien paru dans l’édition du week-end du quotidien privé sénégalais Enquête.
Selon le fondateur de groupe de réflexion AfrikaJom Center par ailleurs ancien directeur régional de l’ONG Amnesty International, la défaillance de la justice « fait partie des grandes faiblesses en Afrique. Et c’est cela le problème ».
« Il y a des crimes qui sont imprescriptibles, qu’on ne peut pas ne pas juger. Soit vous vous donnez la compétence de le faire, soit il faut que les institutions internationales s’en chargent », soutient l’ancien président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (RADDHO).
Or, selon lui, l’Afrique n’a pas « cette souveraineté judiciaire », sans compter que « malheureusement », la CPI est « un tribunal qui n’a pas encore de force ».
« Elle est obligée de s’appuyer sur la collaboration des Etats. Ce sonbt les Etats africains qui estiment qu’ils ne peuvent pas juger qui y traduisent leurs citoyens », souligne le militant des droits de l’Homme, laissant entendre que la CPI ne peut rien faire quand des citoyens américains par exemple sont en cause.
« Il faut savoir que la question de l’impunité est un véritable cancer. C’est un cancer pour les institutions, c’est un cancer pour la société et c’est un cancer qui nourrit la violence. C’est elle qui fait qu’on a cette spirale de violence, dans la plupart de nos pays », a-t-il ajouté.
Selon lui la meilleure manière de « prévenir les conflits, c’est de construire des institutions démocratiques fortes, des institutions judiciaires fortes », car c’est « l’injustice qui pousse la plupart des populations à la révolte ».
Alors que l’Etat de droit doit être consolidé sur le continent africain, « on est tombé, malheureusement à un moment où il y a une explosion de ressources et où l’Afrique de l’Ouest devient une convoitise, à la fois des multinationales et des groupes armés », fait-il valoir.
« On est donc pris entre le marteau et l’enclume. On a besoin de se rassembler, d’être unis, de regarder collectivement les défis, de voir comment les prévenir, comment les combattre. Pas seulement sur le plan national, c’est certes important. Mais il est tout aussi important d’avoir une vision régionale des crises régionales que nous avons », a indiqué Alioune Tine.
Il estime que « la crise de la démocratie est régionale, la crise de la sécurité est régionale, la crise de l’Etat de droit est régionale » en Afrique de l’Ouest, où soutient-il on « ne voit pas une riposte ou une attitude à la hauteur des menaces qui sont régionales ».
« Des menaces régionales qui appellent des réponses régionales. Mais rien n’est fait dans ce sens », déplore-t-il, avant de suggérer « un sommet extraordinaire » de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur la question de la sécurité.
« Il faut également avoir une stratégie sécuritaire ouest africaine. Il faut réfléchir sur comment combattre les djihadistes », plaide Alioune Tine. (Avec APS)